Power Rangers. Oui, cela peut faire sourire. Le hold-up de Haim Saban dans les années 90 qui reprenait des sentaï japonais pour en découper les scènes d’action en costume et en ajoutant d'autres passages avec des acteurs américains au montage pour produire à la chaîne des épisodes qui avaient tous la même structure : moments entre copains, méchant, bagarre, megazord, conclusion. Cette franchise qui se décline à l'infini depuis trente ans à une certaine aura dans la culture populaire.
Saison après saison, équipes de rangers après équipe de rangers, des millions de dollars brassés en merchandising et en jouets, les Power Rangers, malgré le kitsch assumé, du carton pâte aux CGI bas de gamme, ne va pas disparaître de si tôt.
Mais malgré la quantité de personnages, de concepts (des animaux mythiques, pirates, dinosaures, voitures de courses en passant par des chiens aliens chefs de super police) c'est la première équipe qui restera à jamais culte. Ce sont Jason, Billy, Zack, Trini, Kimberly et Tommy qui sont au cœur des comics Power Rangers, et cette BD n’y fait pas exception : ici, il n’existe rien d'autre que la première incarnation de rangers.
Leur aura vient assurément plus d'une fétichisation du passé et de la douce nostalgie de l'enfance bien plus que par la finesse d'écriture de la série. Enfin, c’est mon cas à moi, quand je me replonge dans cet univers je me vois petit dans le salon de mes parents, sur le canapé fasciné par le megazord, ce robot géant en 5 parties qui ne peut déployer sa puissance pour vaincre le mal que par l’unité de l’équipe.
En matière de comics, les Power Rangers inspirent et, à la vue de la longévité des séries, se vendent. Ce que j'ai lu me laisse entrevoir des BD légères, à l’image de la série télé, écrites avec envie et sincérité, dessinées avec talent (le grand dessinateur Dan Mora aide beaucoup à rendre cette affirmation vraie).
Dans ce grand tout, cette année il émergeait une idée portée par Amy Jo Johnson, actrice qui incarnait Kimberly dans les premières saisons. Cette BD s’appelle sobrement « Power Rangers : the return ».
Cette annonce me faisait l’effet d’un coup de tonnerre. Choisir un tel intitulé n'est pas neutre, ou en tous cas il ne l’est pas pour moi. « The return » me fait inéluctablement revenir à Twin Peaks, la plus grande œuvre contemporaine de fiction qui m'a été donnée de voir. Alors, mon cerveau se mettait en marche, je fantasmais un retour dans cet univers familier où le temps avait fait son œuvre. Où des personnages avaient changé, certains nous avaient quittés, Angel Grove, lieu fictif où vivaient les personnages s’était transformé. Je m’attendais à un ton mélancolique où l'héroïsme reviendrait pour rendre le monde plus beau.
Oui mais, mes élucubrations se heurtaient à deux écueils majeurs. Le premier et non des moindres : c’est les Power Rangers. Il ne fallait pas perdre de vue le matériau de base. Comment une franchise pareille pouvait tout à coup trancher radicalement avec ce qu’elle est ? Peut-être son salut pouvait venir de son auteur. Et voici le second écueil : Amy Jo Johnson écrivait l’histoire. Quand bien même je ne pensais pas son désir d’écriture vain, scénariser un comics n’est pas un exercice simple, cela ne s'improvise pas et ne s’écrit pas n’importe comment. La bande-dessinée ça se respecte. Ce n’est pas une forme d’art que l’on peut utiliser par défaut.
Les 4 numéros sortaient enfin, nous pouvions juger de la qualité de cette œuvre.
Ce premier numéro, traversé du début à la fin par la mort, le regret et la tristesse m’enchantait. Il opérait un mélange habile de fiction et de réalité. La mort de Thuy Trang, l'actrice jouant Trini et le décès tragique de Jason David Frank qui incarnait Tommy Oliver sont abordés sans détour. Comme si, il n’était pas concevable pour Amy Jo Johnson de revenir aux sources sans prendre acte du réel. Les deux personnages sont utilisés normalement dans les autres comics.
Trini est considérée comme une héroïne en tant qu’humaine et reconnue par tous. Sa vie fictive durait plus longtemps que celle de l'actrice, disparue à 27 ans, un bien bel hommage.
Pour Tommy, il se sacrifiait de manière anonyme, en tant que Ranger. Tommy. Le ranger vert. Puis le ranger rouge Zeo, là où je le découvrais gamin. Mon tout premier héro d’enfance.
Il est le personnage le plus iconique de la franchise, celui qui est apparu le plus souvent à-travers les années. Il revenait ponctuellement pour les épisodes hommages, l’acteur était devenu totalement indissociable du personnage. Ce dernier n'étant plus, le ranger vert ne pouvait plus être également. Pour un tel monument, il fallait des adieux en grande pompe. C’était un peu convenu mais à l'image du personnage, valeureux et prêt au sacrifice de soi. Le tabou de la mort dans Power Rangers (les premières saisons de la série télé du moins) était brisé.
La suite, à-travers un récit agréablement farfelu et plein de coups de théâtre et rebondissements, introduisait la fille du couple Tommy-Kimberly qui semblait reprendre le flambeau du papa. Mais malheureusement, la dernière partie vient faire trébucher tout l'édifice et apparaît comme un renoncement de l’intention de départ. Les Power Rangers ne pouvaient faire leur retour qu'une seule fois car comme dit leur adage « Once a ranger, always a ranger ». Dont acte. Mais quel dommage de céder à la facilité quand il s’agissait de conclure et d'ouvrir le récit à la postérité, comme si la pression était trop forte.
Ce Power Rangers : the return est une belle proposition, une histoire qui semble personnelle à l’auteure qui n’était pas qu’un nom sur une couverture pour appâter le fan. Quand bien même avec sa fin en demi-teinte, difficile de ne pas être réjouis après la lecture, tant les idées et le postulat sont plaisants et viennent apporter autre chose de neuf à cet univers.
Merci Amy Jo Johnson pour cela. Et merci Jason David Frank pour m’avoir fait rêver durant mes plus jeunes années.
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