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  • Photo du rédacteurJérémy

Ultimate Spider-Man : « Tout vit », même l’espoir

 

Ultimate Spider-Man de Jonathan Hickman & Marco Checchetto

En cours de publication chez Marvel comics (3 numéros à la date où ce papier est écrit)


Plongé dans un marasme depuis plusieurs années maintenant, Spider-Man renaît enfin sous la plume de Jonathan Hickman, auteur phare de chez Marvel qui apparaît comme un auteur médecin, venant guérir les licences et personnages délaissés pour diverses raisons – il s’est occupé de ramener à la vie les X-men abandonnés pendant plusieurs années – ou maltraités.


Spider-Man appartient à cette deuxième catégorie, celle des maltraités. Car il faut bien admettre que bien qu’il soit la poule aux œufs d’or de l’entreprise, il est écrit avec inertie et apathie depuis… 15 ans ! Pour comprendre pourquoi Ultimate Spider-Man représente une véritable lueur d’espoir pour tout fan du tisseur, il convient de regarder un peu dans le rétroviseur pour voir quand les choses ont mal tournées.


Dans les années 2000, l’auteur émérite Joseph Michael Straczynski écrit Spider-Man depuis plusieurs années. Son run très riche, apportait par exemple une mystique particulière aux pouvoirs du héros. Mais, l’industrie étant ce qu’elle est, les égarements éditoriaux de Marvel comics amenèrent Civil War, écrit par le funeste Mark Millar. Il fit ce qu’il a toujours fait : avoir un high concept qu’il traitera par-dessus la jambe pour laisser place à des explosions, des doubles pages magnifiques où tous les héros se tapent dessus pour savoir qui a raison entre Captain America, dépeint comme une espèce d’anarchiste libertarien voulant continuer à botter des culs arbitrairement et en toute impunité derrière un masque, sans que la grande Amérique lui demande des comptes, et le traitre-vendu-collabo Iron Man, lui acceptant de réformer le monde super-héroïque pour en faire des flics++. Dualité intéressante traitée avec la subtilité d’un pachyderme dans un magasin de porcelaine.


Mais quid de Spider-Man là-dedans ? Dans toute cette histoire où chaque héros doit choisir son camp entre le bien et le mal, Peter choisit le mal (Civil War est très manichéen) et oublie les grandes responsabilités incombant à un grand pouvoir. Il révéla son identité au grand jour. Le lecteur a dû réagir comme J.J Jameson à l’époque : tomber dans les pommes. Son travail de sape terminé, Millar s’en allait détruire autre chose en laissant aux autres la tâche de composer avec un tel bourbier.


Straczynski écrivit sa dernière histoire avant de quitter Spider-Man : One more day. Peter, le grand crétin de l’histoire, fait face aux conséquences de ses actes. Lui qui avait gardé le secret de son identité pendant 40 ans, le révélant à de rares occasions, a étrangement attiré l’attention sur lui. Cela se traduit par quelqu’un qui va tirer sur May Parker. Cette histoire, écrite de main de maître, est une réelle tragédie où le tisseur va sombrer dans les ténèbres, allant jusqu’à récupérer son costume noir, pour faire payer le tireur et se voit proposer un dilemme impossible par l’incarnation du mal, Mephisto. Spidey doit choisir : sauver la vie de sa vieille tantine au prix de l’amour de sa vie Mary-Jane. Son choix est fait, sa tante vivra, sa relation avec MJ n’existera plus. Traduction : il sacrifie l’avenir pour sauver le passé. Les conséquences de ce choix ont été dévastatrices pour le tisseur qui se voit ramené au statu-quo.


Suivent ensuite dix ans d’histoires certes intéressantes écrites par Dan Slott, mais où le personnage restait insipide. Rien de notable, il est l’éternel loser, l’éternel ado incapable d’évoluer. Malgré des tentatives louables comme d’en faire un grand chef d’entreprise, ce n’était que l’emballage qui changeait. Dan Slott quitta le titre, sans rien n’avoir apporté. Un lecteur agacé aurait pu bouder le tisseur après Civil War et revenir 10 ans après, il n’aurait pas été perdu. Il fut remplacé, à l’occasion d’un « fresh start » (décision éditoriale revenant aux fondamentaux de la maison des idées après certains égarements) par Nick Spencer, qui lui, apportait finalement aux gens ce qu’ils voulaient. Les fans n’ont pas à décider ce qu’un artiste devrait faire, mais quand même, après autant de temps à lire des choses inconséquentes, cela n’était pas un souhait totalement déplacé de leur part. Peter et Mary-Jane s’aimaient de nouveau. Paradoxalement, le personnage s’épaississant, les histoires racontées étaient moins intéressantes que lors du run de Slott. Décidément, on ne peut vraiment pas tout avoir…


Mais, Spencer concluait par ceci, laissant à son successeur des bases stables pour écrire un Spider-man plus intéressant, si tant-est que celui-ci soit audacieux.



Amazing Spider-man 2018 #74 (Nick Spencer et Humberto Ramos)


Ce fut la douche froide, en peu de temps nous sommes revenus à la case départ :



Amazing Spider-man 2022 #1 (Zeb Wells et John Romita Jr.)


Pourquoi Marvel semble à ce point avoir peur de donner de la matière à sa vache à lait ? Pourquoi est-ce écrit de manière si réactionnaire, au point de refuser à ce point de faire évoluer le personnage ne serait-ce qu’un peu ? Donner une perspective aux héros n’est plus quelque chose d’incongru, DC le fait avec ses deux personnages phares : Superman et Batman qui sont depuis plusieurs années maintenant pères et s’assument comme tels.


Cela amène enfin à Ultimate Spider-Man. L’univers Ultimate est, dans le jargon des comic-books, un univers parallèle. Parallèle à quoi ? Aux séries régulières de Marvel comics qui sortent tous les mois. On prend plus ou moins la même chose, les mêmes personnages et on en fait autre chose. Idée intéressante qui a relancé Marvel dans les années 2000 ou autre possibilité pour des auteurs qui ont des idées mais ne pouvant pas les concrétiser dans l’univers classique.


Ici, la variation concernant Peter Parker, c’est qu’il n’est pas Spider-Man. Une pirouette scénaristique a modifié les événements amenant à sa morsure pour que celle-ci n’ait pas lieu et qu’il vive normalement. Nous découvrons un Peter Parker plus âgé, marié avec Mary-Jane et père de deux enfants. Une révolution. On avait déjà pu lire ceci dans certaines séries mineures mais traité avec le sérieux et le génie de Hickman, c’est du jamais vu. Un auteur aussi talentueux et de premier plan tape enfin du pied dans la fourmilière. Au cours du premier numéro, nous redécouvrons ce personnage, son entourage (son oncle Ben encore en vie et ami avec J.J.J ! Le fan service n’a finalement rien de difficile, pourquoi est-ce autant mal fait ailleurs ?) et comment est sa vie sans le fardeau d’être Spider-man. Hickman troque même son sérieux et sa froideur mécanique habituelle pour quelques saillies d’humour bien trouvées. Il est aidé par la sublime mise en image de Marco Checcheto, brillant dessinateur ayant déjà de hauts faits d’armes chez Marvel (Daredevil pour le dernier en date). Cette première issue, qui relève du chef-d’œuvre, se conclut par une nouvelle pirouette pour quand même avoir Spider-Man. Même si ce qui précédait ce retour du héros était si génial que l’on aurait presque pu s’en passer, la donne a suffisamment changé pour maintenir un intérêt toujours aussi prenant. Cette fois-ci, Peter est père de famille. Il a déjà les grandes responsabilités avant d’obtenir ses grands pouvoirs. Cela amène aussi le personnage à réagir plutôt qu’à anticiper et se morfondre de son absence de perspectives de vie. L’euphorie et la grande joie que procure la lecture de ces trois premiers numéros peuvent faire rêver. Enfin, Spider-Man sort de son inertie, son auteur nous offrira un énième grand comics.


Nous pouvons ardemment souhaiter que l’envergure de Jonathan Hickman soit suffisamment grande pour que Marvel réagisse enfin et qu’un tour de passe-passe dont seuls les comics ont le secret, fasse de ce Spider-man le seul et unique, effaçant d’un claquement de doigt l’éternel loser, pénible à lire qui nous colle à la chaussure depuis tant d’années.

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