Laura, Mira et Steffi sont trois jeunes filles affrontant seules la vie ; abandonnées par leur mère – et nous n’en savons pas bien plus pour leur père – , elles devront survivre dans un environnement austère.
Simplicité, naturel, précarité, voilà trois mots définissant ces trois filles. Une des premières séquences d’introduction de Paradise Is Burning est une bagarre à l’école, donnant le ton d’un film teinté d’une innocence mise à rude épreuve. Rien de plus innocent comme lieu que l’école : lieu de l’apprentissage, de l’évolution, de la construction d’une vie. Imaginez donc seulement l’effet que ferait une séquence de lutte dans ce lieu : la confrontation entre l’innocence et la violence ; c’est par là que nous comprendrons que Mika Gustafson va prétendre, par son premier long métrage, à questionner l’innocence enfantine, ses limites – ainsi que sa véritable existence. Un certain équilibre est placé dans le film, mettant en scène des enfants pas si innocents que ça, à en voir la consommation de tabac ou les gros mots. Les adultes restent cependant assez attendris, notamment Hanna et son mari, qui s'occupent tous deux de Laura, dans deux circonstances particulières, créant alors une dialectique fondée sur l’innocence enfantine, mêlée à la brutalité de la vie, allégée par la tendresse de certains adultes environnants.
Une certaine liberté émane de ce film : tant dans la narration que dans la réalisation. La liberté des personnages dans une vie sans loi ni règle – ou en tout cas oubliées – est pourtant aussi un facteur qui va peser sur Laura, l’aînée, en charge des enfants. C’est ici qu’intervient une incertitude assurée, que l’on ne pourrait nier ou oublier, posant un dilemme à ce personnage que la réalisatrice expérimente durant toute son œuvre : Laura veut protéger ses sœurs mais a-t-elle raison d’assumer cette charge seule, dans une vie où la liberté prône, à son paroxysme ? C’est la question que l’on se pose, ainsi que cette même fille, subissant un tumulte de responsabilités extrêmement tôt, et pressée par les services sociaux. Ces derniers pourraient séparer ces trois sœurs, les arracher les unes des autres, et ainsi briser ce qui reste de leur famille. Une nouvelle incertitude subsiste toujours, et cette fois concernant la mère de ces enfants, ainsi que le père : où sont-ils et pourquoi cet abandon ? Nous ne le saurons sûrement pas, et les trois filles, tout comme nous, ne savent pas où leur mère se trouve, ni si elle reviendra un jour. Ce niveau égal de connaissances que nous partageons avec Laura, Mila et Steffa, nous permet de nous rapprocher, nous spectateurs, de ces filles, donnant l’occasion de nouer un certain lien avec les personnages, ce à quoi nous pouvons ajouter les regards caméra alimentant la complicité avec le spectateur. Mika Gustafson justifie d’ailleurs ces derniers par le souhait de rendre son œuvre « ludique et astucieuse » et de briser les règles, inspirée de la Nouvelle Vague.
Les célébrations, symboles du passage à un nouvel âge de la vie (pré-adolescence pour Steffi, adolescence pour Mira, et adulte pour Laura), sont des moments importants du film, séquences de sourire et d’extase dans la vie des trois jeunes filles vivant l’horreur, sans parent et sans aide extérieure. Ces moments, d’ode à la vie, permettent de déconnecter avec toute l’ambiance déchirante ornant le film, marqués par les efforts constants des trois sœurs pour rester soudées et survivre, tout en vivant leurs profonds changements naturels. Pour imager cela, il n’y a rien de plus visible que l’apparition des règles de Mira, marquant le début de son adolescence, et période habituellement gérée par une présence maternelle. De nouveau nous apparaît un évènement qui pourrait suffire à dépasser totalement Laura, en quête d’émancipation, à en voir sa relation avec Hanna.
Toutefois, le sourire de chaque personnage amène une certaine extase, nécessaire au film, voguant entre espoir et desespoir. Laura permet même d’ironiser sur l’absence de ses parents en se permettant une blague selon laquelle sa mère serait morte, suivi d’un sourire – et on n’en est pas bien loin malheureusement. Ce n’est donc que du bonheur de voir que Mika Gustafson termine son film sur un moment d’extase, d’espoir car c’est tout l’important du film, toute sa fonction, c’est ce qu’il faut retenir majoritairement de Paradise Is Burning : de l’espoir.
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