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Photo du rédacteurArthur Polinori

Festival Lumière : Week end cinéma pour Arthur


 

Après une première journée peu remplie, le week-end est le moment de voir quelques

films (4) du programme du festival Lumière 2024.


La Terre Promise :


Après une courte nuit, mes pas m'emmènent au Hanger de l'Institut Lumière pour

découvrir une version restaurée et toute neuve de La Terre de la Grande promesse

(Parfois titré La Terre Promise) d'Andrzej Wajda, sortie en 1975, adaptation littéraire du

roman éponyme de Wladyslaw Reymont. Ce film, produit par la propre boîte de production

de Wajda, X, est une œuvre très libre formellement et qui permet au réalisateur d'y

insuffler certaines revendications politiques.

Le film met en scène trois amis, un jeune noble polonais, un hériter allemand et un homme

d'affaire juif indépendant dans la grande quête du profil passant par la construction de leur

propre usine de textile dans la Pologne de la fin du XIXe siècle autour de la ville de Lodz.

Ce n'est pas pour rien que je cite cette ville ici, car elle a permis de tourner une grande

partie du film en extérieur, en dehors des studios, car ayant peu évolué d'un point de vue

architectural depuis la fin du XIXe siècle.


La Terre Promise est un film d'une beauté assez stupéfiante, les jeux de lumières sont

bluffants et donne une aura presque fantastique à l'ensemble. Dans la continuité d'un

cinéma polonais en pleine mutation, et à l'image de ses collègues ayant pour certains

collaboré au studio X, Wajda propose ici une approche très baroque et hystérique (comme

Zulawski) de cette épopée de trois riches propriétaires qui cherchent sans cesse à

s'enrichir sur le dos des autres sans jamais se soucier des conséquences de leurs actes.

Le film propose alors nombres de scènes totalement folles où la caméra danse avec ses

personnages, tournent autour d'eux, et où le montage, proposant nombre d'ellipses fait

que l'ensemble brouille les frontières du réel autour de ces trois figures auxquels nous

nous attachons mais qui sont finalement détestables. L'intérêt de flouter ces frontières

tient dans le sens où ses personnages sont totalement déconnectés de la réalité de la vie

des gens autour d'eux. Malgré les dires de Wajda, qui entreprend de faire des films plus

politiques après cette dernière adaptation littéraire, La Terre Promise est éminemment

politique et sociale tant le film nous montre la misère de la classe laborieuse, du prolétariat

polonais à la fin du XIXe siècle et le manque absolu de considération de la bourgeoisie

pour ces personnes. De la mort très violente d'ouvriers dans les usines, brûlés vif, écrasés

par les machines, à la misère du quotidien dépeinte par des habitats insalubres qui

détonnent avec la beauté des palais bourgeois, Wajda fait un tour d'horizon de la lutte des

classes par le prisme de la vie de ses trois nantis.

Dans La Terre promise, la lutte des classes se traduit aussi dans la lutte des sexes : la

majorité des ouvriers est féminin et sont des objets de désir pour les chefs d'entreprises

bourgeois qui passent beaucoup trop de temps à les reluquer. Ces derniers s’en servent

comme faire valoir lors de soirées orgiaques où elles deviennent corvéables et

remplaçables, à l’instar de leur quotidien à l’usine. Par sa mise en scène très proche des

documentaires, Wajda cherche réellement à montrer les conditions affreuses du travail

des ouvriers et ouvrières à la fin du XIXe siècle. Nous nous éloignons alors de nos trois

anti-héros, pour nous pencher réellement sur la condition ouvrière.

Wajda fait aussi preuve d'une inventivité de chaque instant et se sert de l'hystérie formelle

pour asséner son message de déconnexion totale des élites bourgeois et nobles de cette

époque, et possiblement de la sienne. Le film fait écho, encore aujourd'hui et partout dans

le monde, aux conditions de vie de la grande majorité de la population et à l'hybris d'une

classe dominante totalement déconnectée des revendications sociales des plus pauvres.

La Terre Promise est un film que je recommande grandement, et dont j’espère une

ressortie en salle à la suite de cette restauration, déjà disponible en Pologne en Blu-Ray.

Le seul bémol est la qualité très médiocre des sous-titres (phrases incomplètes, fautes de

frappe etc.), peut-être écrits trop rapidement pour coïncider avec le festival Lumière, le

présentateur de la séance nous indiquant qu'ils avaient été réalisés pour l'événement.



Je me permets de commenter l'image pour présenter ce casting incroyable, de gauche à

droite : Wojciech Pszoniak (excellent Robespierre dans le Danton de Wajda), Daniel

Olbrychski (La Barbier de Sibérie, Le Tambour …) et Andrzej Seweryn (excellent

Robespierre dans La Révolution française d'Enrico et Heffron, mais aussi Sur le Globe

d'argent de Zulawski ou encore Le Ronde de Nuit de Greenaway).


La porte du ciel :


Ne sortant pas totalement indemne de ma première projection (fatigue, film de 3h), et

après m'être encore ruiné à la boutique du festival, je me lance dans une deuxième

séance en ce samedi 19 octobre.

La Porte du Ciel de Vittorio De Sica est un drame proche du Néoréalisme italien, tourné en

en 1945, en plein déclin du fascisme italien. Il nous raconte l'histoire d'un train hôpital

transportant des malades en pèlerinage à Lorette.

Film produit, restauré et vendu par des organisations catholiques italiennes, le film est à

l'image de ses défenseurs : une ode à la charité chrétienne et ventant les possibles

miracles que le catholicisme peut apporter aux malades dans les années 1940.

Autant dire que le visionnage de ce film, que je pourrai qualifier d’oeuvre de propagande

de l'Eglise catholique, est pour moi une certaine vision de l'enfer... Les acteurs ne sont

absolument pas concernés par ce qu'ils font, le message est lourdingue et caricatural et la

mise en scène est d'une platitude rarement atteinte dans le cinéma de De Sica, voilà ce

qui résume La Porte du Ciel.

Ce huit-clos dans un train est un film que je ne recommande absolument pas. Malgré

quelques idées de montage, passant d'un wagon à un autre, d'un flashback à un autre

pour nous décrire la situation de différents malades comme celle d'un pianiste dont l'une

des mains n'est plus fonctionnelle et qui espère un miracle pour rejouer (un peu touchant),

le film ne parvient jamais à fasciner, ou tout simplement à se regarder pour sa beauté. Le

noir et blanc est au mieux insipide, au pire très laid, les dialogues sont indigents et nous

sommes très loin de la subtilité de fond du Voleur de Bicyclette ou de la beauté d'un Finzi-

Contini.

Une séance globalement désagréable ou le sommeil a failli me prendre plusieurs fois en

seulement 1h20... Un film que je pourrais à la limite recommander pour sa sincérité

chrétienne finalement, mais qui, au-delà de cela, n'a strictement aucun intérêt.


La vie d'Oharu, Femme galante :



J'attaque mon dernier jour à Lyon par deux films coup sur coup, 5h de suite au cinéma en

compagnie de Mizoguchi dans un premier temps puis de Zinnemann.

Deux pays, deux films, deux univers totalement différents mais deux bonnes surprises.


La Vie D'Oharu, femme galante de Mizoguchi est un magnifique film sur la place des

femmes dans la société japonaise du XVIIe siècle. Pour faire très simple, Oharu tombe

amoureuse d'un homme que ses parents (surtout son père) lui refusent, ce dernier est

donc décapité pour n'avoir ne serait-ce qu'exprimé son amour pour elle. Petite anecdote

au passage, ce film passe à Lyon dans le cadre d'une rétrospective hommage à Toshiro

Mifune, qui tient ici l'un de ses rôles les plus courts de sa carrière, vu qu'il disparaît,

perdant sa tête, au bout d'une vingtaine de minute. La vie d'Oharu va alors être dirigée par

les hommes qu'elle rencontre, par son père tout d'abord, puis par un seigneur local

l'abandonnant lâchement après avoir obtenu un héritier. Oharu passe alors par la

mendicité, devient courtisane, se marie avec un homme qui finit tué par des voleurs etc.

etc. etc., pourquoi tous ces etc. peu esthétiques ? Parce que finalement on tient ici le vrai

souci du film, Oharu subit beaucoup trop pendant 2h18 au point, sur la fin, de manquer de

crédibilité ou tout simplement de nous permettre de continuer de sincèrement y croire.

Pour autant, le film de Mizoguchi est d'une beauté hors du commun. Contrairement au De

Sica, le noir et blanc est absolument magnifique et la mise en scène de Mizoguchi est

d'une subtilité rarement atteinte dans le cinéma mondial. La scène où Oharu revoit son fils

5 ou 6 ans après avoir été exclu par le seigneur, m'a scotché et ému comme jamais.

Prenant le temps, coupant d'un coup toute forme de son, nous sommes réellement plongé

dans la tête et les sens d'Oharu, la seule chose qui compte alors est d'entrevoir le visage

de son fils qu'elle n'a pas vu depuis de nombreuses années et nous ressentons, par un

montage oscillant entre plan large d'Oharu, plan sur son visage et plan sur son fils, toute

la joie et la tristesse qu'elle peut ressentir, l'ensemble appuyé par quelques plans où elle

va, par réflexe, légèrement caresser un morceau de mur proche d'elle, comme pour

caresser un fils qu'elle ne connaîtra jamais, qu'elle ne reverra plus...

Mizoguchi parvient, sans musique, sans artifice, à créer une émotion incroyable qui prend

tout son sens au cinéma et me donne envie de redécouvrir son œuvre en salle (alors

qu’elle m’a plusieurs fois laissée de marbre devant ma télévision).

La vie d'Oharu manque de rythme, s'étire en d’incroyables longueur, et perd le spectateur

en enchaînant trop rapidement les « péripéties » de son personnage principal, totalement

détruit par la vie et les hommes. Cependant, ce film assène, avec une maitrise

chirurgicale, une réelle émotion, et un message à charge contre la patriarcat au Japon au

XVIIe siècle mais toujours présent dans les années 1950 quand le film est réalisé, ce qui

ne peut nous laisser de marbre.

Mizoguchi, réalisateur de la condition féminine, mais surtout grande poète de l'image, a

permis au spectateur que je suis, par de simple plans un simple mouvement de caméra,

ou un montage astucieux, d'être profondément touché.


Tant qu'il y aura des hommes :


Enfin, dernier film de ce festival pour moi avant de retourner à la vie normale, Tant qu'il y

aura des hommes de Fred Zinnemann, œuvre anti-militariste et à charge contre l'armée

américaine en plein Maccarthysme.

En suivant une jeune recrue de l'armée américaine à Hawaï quelque mois avant l'attaque

de Pearl Harbor le 7 décembre 1941, épisode historique qui viendra conclure le film.

Zinnemann propose un film sur l'amitié et contre les méthodes archaïques de l'armée

américaine.

C'est par les lubies de certains haut-gradés que Zinnemann commence son pamphlet

contre l'armée, en effet, le capitaine de Robert Lee Prewitt (personnage principal joué par

Montgomery Clift) est un fanatique de la boxe et cherche à pousser notre héros à se

remettre à ce sport qu'il a juré ne plus exercer. Maltraitance, acharnement hiérarchique,

punition abusive, tout est bon pour forcer Prewitt à reprendre les gants pour l'honneur de

sa section.

Le film se construit presque comme un buddy movie (film de potes) entre quelques

soldats : Prewitt (Montgomery Clift) et Angelo Maggio (Frank Sinatra) en tête sont

indirectement soutenus par leur sergent (Burt Lancaster) contre l'autorité malveillante du

capitaine et de quelques arrivistes lui léchant les bottes.

C’est un film globalement intéressant, très drôle par moment, mais qui manque trop

souvent de liant entre les différentes histoires que le réalisateur cherche à dépeindre.

Toute l'histoire d'amour entre la femme du capitaine et le sergent est assez médiocre et ne

montre qu'une chose, que certains hommes ne sont pas carriéristes, ce qui en soit n’est

pas fascinant.

Les femmes tiennent un rôle important dans le film, mais qui est souvent résumé à ne

chercher qu'un bon parti pour se protéger d'un malheur couru d'avance pour elles. Le

réalisateur n'en fait finalement pas grand-chose.

N'en reste un Montgomery Clift absolument incroyable dans ce rôle, proposant plusieurs

fois quelques moments de bravoure par un simple solo de clairon dans un bar...

Tant qu'il y aura des hommes est un film finalement assez touchant par ses hommes que

l'histoire, les femmes, regardent en face sans les retenir, sans se souvenir qu'avant d'être

des soldats, ce sont avant tous des hommes, des amis, des amants... qui finissent oublier,

sauf par le spectateur du film.

Un beau morceau pour finir ce petit marathon de trois jours à Lyon pour le festival

Lumière. Un festival qui aime le cinéma et qui le déploie dans toute une ville pendant 10

jours, ça n'a pas de prix, c'est réellement le meilleur endroit où être sur terre au mois

d'octobre quand on est cinéphile... et malgré quelques ratés, le De Sica, une petite

déception face au Zinnemann quand même, des films que je n'ai pas pu voir ou même un

manque d’interaction finalement entre les spectateurs et différents intervenants, ce fut un

beau moment autour du cinéma, même s'il n'y avait aucun film Indien....

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