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Photo du rédacteurLouis M

Festival lumière - Journal de bord : Jour 6


 

Il faut une fin à toute bonne chose, et le Festival Lumière se termine. Cette dernière entrée du journal de bord, que j’ai tenu pendant cette semaine, me permet de prolonger un peu plus le festival. Une dernière journée de festival comme je les aime concluant un beau week-end. 


La montagne sacrée d’Alejandro Jodorowsky (1973)


Malheureusement, la séance devait être présentée par Jodorwsky lui-même, mais du haut de ses 95 ans il n’a pas pu venir. Mais comment pourrais-je vous décrire ce film venu d’ailleurs ?


On y suit un homme ressemblant au Christ qui se retrouve dans une tour et y affronte un alchimiste. Ce dernier va initier l’homme avant de lui présenter sept personnes riches et puissantes. Celles-ci vont devoir tout abandonner pour accompagner l’homme et l’alchimiste au sommet de la montagne sacrée afin d’obtenir le secret de l’immortalité. 

C’est un film assez hallucinant, dans lequel Jodorowsky a pu faire ce qu’il voulait. Rien n’est vraiment gratuit dans le film, tout est métaphorique si bien que de multiples interprétations peuvent coexister. Le film est une quête pour chaque personnage qui est guidé par l’alchimiste, joué par le réalisateur lui-même et ce n’est pas un hasard. L’homme ressemblant au Christ va d’abord entamer son parcours initiatique par la religion mais ne rencontre que des déceptions et des obstacles. Il traverse aussi un monde cupide et vulgaire qui est représenté par ses sept compagnons. Ceux-ci vont représenter les maux du monde comme le capitalisme, la guerre, la violence masculiniste, le consumérisme de l’art, les doctrines mensongères, la science asservie par le pouvoir, ou bien l’urbanisme extrême menant à l’aliénation. Ces sept personnes ainsi que l’homme doivent tout abandonner pour trouver la pureté via l’immortalité. 


La vision de Jodorowsky qu’il offre à travers le film nous fait dire que sa place est à l’asile. Finalement, j’étais subjugué par ses images ésotériques, poétiques mais parfois violentes qui racontent toujours quelque chose sur l’homme et sa quête. Et La montagne sacrée m’a happé et m’a hypnotisé par cette vision et cette mise en image absolument fascinante et tordue.


Tout le film est une métaphore d’une quête initiatique de notre vie. La conclusion du film renverse tout et nous donne alors la vision du cinéaste sur ce qu’on vient de regarder, ou plutôt ce qu’on vient de vivre pendant 1h54. Car oui c’est une expérience à vivre. C’est d’ailleurs Jodorowsky lui-même, avec son interprétation de l’alchimiste, qui nous amène nous spectateurs dans cette expérience et nous demande de réfléchir à tout cela. Et l’expérience, il faut la vivre au cinéma. Il en ressort un sentiment de légèreté après le film, comme si on ressortait d’un rêve agréable.


Pépé le moko de Julien Duvivier (1937)


Changement complet de registre, de thème et de style de cinéma avec ce film de Julien Duvivier. L’enchaînement des deux films est étonnant mais c’est aussi ça le Festival Lumière : passer d’un film hallucinatoire à des films plus sobres. 


Classique du cinéma français, Pépé le moko est une adaptation du roman éponyme d’Henri La Barthe. Jean Gabin joue le rôle-titre, un caïd de la pègre parisienne ayant fui en Algérie française et se cachant dans la Casbah d’Alger. La police cherche en vain à l’arrêter et organise des plans pour qu’il sorte de la Casbah afin de lui mettre les menottes aux poignets. En parallèle, une jeune mondaine parisienne va faire basculer la vie de Pépé qui en tombe terriblement amoureux. 

Film phare du cinéma français, Pépé le moko connaît un succès, aussi bien sur notre sol, qu'à l’international. Il est même remaké plan par plan par les Américains en 1938. Le film est un peu notre Scarface, version de Hawks, à nous. Il y a le romantisme des êtres en marge de la société, avec le gangster Jean Gabin qui transperce de ses yeux l’écran. Il y a la tragédie inéluctable de ce genre d’histoire avec le triangle amoureux. On a beau déjà connaître l’issue du film, on ne peut pas s’empêcher de se concentrer sur l’écran. Et il y a ces décors de la Casbah d’Alger magnifiquement labyrinthique. Les rues deviennent des personnages à part entière du film, à la fois le refuge de Pépé, mais aussi sa prison. En effet, il est en sécurité dans la Casbah d’Alger car la police s’y perd et ne peut l’attraper dans ces ruelles tortueuses. Cependant, il en est prisonnier : il ne peut en sortir sinon la police l’arrêtera. Et il en est également prisonnier psychologiquement : sa nostalgie de Paris prend le dessus, le fait tomber amoureux de cette belle touriste mondaine et entraîne sa chute inéluctable.


Duvivier filme tout ça avec une belle maitrise du noir et blanc, sublimant ses acteurs et en particulier Jean Gabin, et rappelant la noirceur du monde dans lequel les personnages vivent. Les moments de lumière sont rares et s’envolent tout de suite après dans la scène suivante. Les dialogues accompagnant le film, mêlés au ton de Gabin, donnent un charme particulier. On se prête à sourire en entendant l’argot d’autrefois. Mais le film n’est pas une comédie et Duvivier nous le rappelle régulièrement. 


Je trouve que le film est en plus de ça une assez bonne porte d’entrée au cinéma de Duvivier. On y a de tout et il y a Jean Gabin. On peut se prêter au jeu des différences avec les films de gangster américains et conclure que malgré les différences notoires, la France sait aussi faire des bons films de gangster avec son propre style.


Conclusion : 


Le Festival Lumière est terminé. Il faut attendre un an avant son retour et j’ai déjà hâte. La découverte de ces films au cinéma est importante. Certes, j’aurais pu les découvrir chez moi sur ma télé, en VOD ou bien sur une plate-forme de streaming. Mais je n’aurais pas vu sur la toile le visage fatigué de James Stewart au sénat américain, celui d’un Gary Cooper effrayé par une potentielle mise à mort, celui de Toshiro Mifune condamné par sa maladie, ou encore celui de Vivien Leigh poussée à la folie par un homme. Voir les films du patrimoine et les découvrir au cinéma, voir les visages de ces acteurs et actrices, donne aux films une aura particulière. Voir ces films au cinéma rend ces acteurs et actrices littéralement géants et immortels. Voir ces films au cinéma, c’est faire vivre l’histoire du cinéma. Nous sommes les spectateurs comme d’autres avant nous et comme le seront d’autres après nous. En tant que spectateurs, passés, présents et futurs, nous sommes un rouage de l’histoire du cinéma en allant dans les salles obscures. Je ne peux donc que vous encourager à aller au cinéma, voir des films du patrimoine, découvrir des vieux films et à en parler autour de vous. 


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