Après avoir dépensé 170 euros à la boutique Lumière, je me lance dans ma première et unique séance de cinéma en ce premier jour : Andrius, film Lituanien de Algirdas Aramina , nouvellement restauré marquant la saison de la Lituanie en France en 2024 (https://saisonlituanie.com/).
Film court, seulement une heure, Andrius nous raconte l'histoire d'un enfant Lituanien qui, pour échapper aux situations difficiles de la vie, comme l'absence de son père, s'est trouvé un code à réciter qui l'emmène dans un autre monde imaginaire et rêvé.
Andrius est un film réjouissant à la beauté subtile et finement amené par un réalisateur qui maîtrise parfaitement ce qu'il veut montrer à l'écran.
En une petite heure, il brasse de nombreux sujets sans jamais trop en dire ou trop les survoler.
Andrius parle autant de l'absence d'un père, d'amitié entre deux enfants, de la barrière de la langue dans le bloc soviétique, ici entre le Lituanien et le Tchèque ou encore du temps qui passe.
Globalement, Andrius est un magnifique film sur l'enfance, sur l'imaginaire d'un enfant qui s'en sert pour échapper aux aléas de la vie. Se créant une amitié aussi bien avec le mari de sa maîtresse, joué par l'excellent Donatas Banionis (qui joue le rôle principal du Solaris de Tarkovski) qu'avec une jeune tchèque, Andrius nous permet d'être profondément touché par les relations humaines et amicales qui passent dans la vie de cet enfant.
A la recherche d'un papillon de verre pour le mari de sa maîtresse, Andrius et son amie tchèque vont aller d'un monde imaginaire à un autre pour le trouver. Ces mondes sont sommairement représentés : une horlogerie surréaliste à un simple bateau proche d'un château ; ce n'est pas la forme qui nous subjugue mais la beauté et la gentillesse des situations.
Un film que je recommande s'il vient à ressortir en salle après cette restauration ou en support physique. C'est un vent de fraîcheur, un film d'un lyrisme absolu et assez fascinant sur l'enfance.
Plus tard dans la journée, vers 19h30, dans un centre de Congrès lyonnais rempli, la cérémonie de la remise du prix Lumière est un moment particulier du festival. Grande messe venant presque supplanter les cérémonies d'ouverture et de clôture, elle rend un très belle hommage au cinéma, tout du moins au cinéma occidental. Passé un moment assez lourd de célébrations excessives d'artistes présents lors de cette cérémonie (Alejandro Jodorowski, James Franco, Emmanuelle Béart, Sandrine Kiberlain, etc. et bien entendu Isabelle Huppert), Thierry Frémaux va, pendant quasiment une heure, rendre hommage aussi bien à la star du jour : Isabelle Huppert, qu'au cinéma et à son festival si prisé par le monde du septième art.
Les vidéos montages présentées, parfaitement maîtrisées en terme de rythme, d'émotion et d'humour, permettent de découvrir et redécouvrir les grandes figures du cinéma occidental (et un peu mondiale, le Japon est présent, l'Amérique du Sud aussi, parfois l'Iran ou la Chine) et faisant aujourd'hui partie de l'Histoire de ce grand festival qu'est le festival Lumière de Lyon.
Ces montages m'ont plusieurs fois profondément touchés tant ils rendent hommage à ce qu'y fait notre présence à ce festival. Revoir, ou voir sur grand écran des extraits de films qui nous ont construit comme cinéphile, sur un grand écran et en présence d'autant d'autres cinéphiles (et malheureusement quelques arrivistes politiques ou autres) a quelque chose d'unique qui fait, comme le disait très bien Clint Eastwood, Michael Cimino, Tim Burton ou Francis Ford Coppola, du Festival Lumière un festival unique. Pour citer Clint Eastwood, « c'est le festival parfait, il n'y a ni gagnant, ni perdant, ni compétition ».
La cérémonie manque un tantinet d'hommages aux personnalités du monde du cinéma décédés cette année, même si l'on a vu plusieurs fois de très beaux extraits d'Alain Delon, quelques images de Michel Blanc, et un petit hommage venant m'apprendre le tragique décès prématuré d'Aurélien Ferenczi, critique pour Télérama jusqu'en 2019, souvent présent dans Le Cercle sur Canal+ et pour qui j'avais, sans le connaître personnellement, un grand respect et une grande sympathie lors de ses interventions dans Le Cercle.
Enfin, le discours d'Isabelle Huppert est à l'image de ce qu'elle est, un beau discours, simple, sur une immense carrière, de Chabrol à Schroeter, de Schroeter à Cimino, et une très belle anecdote sur la catastrophique sortie de La Porte du Paradis en 1980 et la réconciliation d'un homme détruit par cet échec avec la restauration du film par le festival Lumière dont Huppert fut témoin. Cimino, Huppert, une très belle histoire d'amour et d'amour du cinéma pour un des plus grands western de l'histoire.
Pour autant, si l'on excepte quelques ratés à mes yeux, comme les parties chantés, de Camélia Jordana à Julien Clerc, toutes hors-sujet et d'un entre-soi dérangeant, ou le discours d'Alfronso Cuaron, finalement assez insipide, cette cérémonie est un moment de grâce pour le cinéma tant elle parvient à lui rendre un hommage sincère, beau, et simple (comme ce long moment, devant un extrait des Lumières de la ville de Chaplin où même moi, absolument pas fan de Charlie, me suis pris aux rires du moment). J'y mettrai un dernier bémol, l'absence quasi systématique du cinéma Africain, ou encore, pour mon plus grand malheur, du cinéma Indien qui peine encore à s'étendre en Europe au-delà de Satyajit Ray qui est loin d'être ce que l'Inde à produit de plus mémorable. Cela est d'autant plus étonnant que l'Inde est le premier producteur de films au monde. Peut-être un prix pour Shahrukh Khan un jour ? Ou au moins une rétrospective sur lui ou un cinéaste autre que Ray du cinéma Indien.
Preuve est de mes dires, et l'histoire d'être bien insistant sur la question, le seul ouvrage que j'ai trouvé durant le festival Lumière sur le cinéma Indien, seul exemplaire à la Librairie du Premier Film, date de 1998...
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