top of page
Photo du rédacteurLouis M

Festival lumière : Journal de bord : Jour 2


 

Après avoir bien dépensé mon SMIC au salon du DVD la veille, je brave la pluie pour mon deuxième jour de festival.

 

Quatre nuits d’un rêveur de Robert Bresson (1971)

 

Séance matinale pour ce film du réalisateur français Robert Bresson. Quelle séance !! Adapté de la nouvelle de Dostoïevski Les Nuits blanches, le film narre l’histoire de Jacques qui un soir sauve Marthe d’une tentative de suicide. Ils se revoient la nuit suivante et Marthe se confie à lui sur un amour qu’elle n’espère plus retrouver.

Ce n’est pas le premier film de Bresson que je vois (et pas le dernier non plus). J’étais donc habitué à son cinéma si particulier : une absence d’artifice. Les acteurs ne jouent pas et il n’y a pas de musiques extra diégétique. Ça peut être perturbant au premier abord et donner l’illusion d’un film froid, dénué de sentiment et d’empathie. Il n’en est rien. Le film est d’une beauté givrante qui donne à voir un Paris nocturne et fantomatique à la limite de l’onirisme. En plus de cela, cette mise en scène particulière permet de montrer la pureté des sentiments. Le non-jeu des acteurs ou des « modèles », fidèle à la volonté de Bresson d’éviter toute théâtralité, m’a décontenancé au début. Puis au fur et à mesure que le film avançait et que les sentiments des personnages s’exprimaient dans les dialogues, j’ai été porté. Le non-jeu des « modèles » couplé aux dialogues poétiques du film m’ont ému. Et l’absence d’artifice n’empêche pas qu’on ressent la blessure d’un être amoureux qui n’est pas aimé comme il le voudrait en retour.

 

Bref c’est un film qui peut être déstabilisant mais qui raconte en vérité une très belle histoire et dont la mise en scène renforce la beauté et la tragédie. Film aussi intéressant à voir pour l’expérimentation que fait Bresson avec la couleur qu’il adapte parfaitement à son style.

 

Avec ce film, il est indéniable que les plus belles histoires sont aussi celles qui sont les plus tristes.

 

Le Train sifflera trois fois de Fred Zinnemann (1952)

 

Changement de genre, changement de style et changement de salle pour mon visionnage de ce western mettant en scène Gary Cooper et Grace Kelly. Un film qui m’a beaucoup surpris.

 

Première surprise, c'est la présence de l’acteur Benicio del Toro pour présenter la séance. Il explique son amour pour les westerns et pour les personnages qui se « dressent seul face à beaucoup pour combattre le mensonge ». Et c’est bien de cela que parle Le Train sifflera trois fois.

Gary Cooper joue le shérif d’une petite ville, qui s’apprête à se marier et à rendre son étoile. Cependant il apprend qu’un bandit qu’il avait arrêté autrefois a été libéré de prison et revient pour se venger avec sa bande. Le bandit doit arriver par le train de midi.

Le film m’a surpris par sa mise en scène soignée et précise. Loin des motifs récurrents des westerns, Fred Zinnemann semble s’éloigner des poncifs du genre pour livrer sa propre version d’un western. Le film se déroule en temps réel, commençant à 10h30 et se terminant peu après midi, le temps de l’action et du film sont les mêmes. Ce procédé permet de faire monter une certaine tension sur le fameux train. Les plans sur les rails ainsi que ceux sur les horloges de plus en plus grosses au fur et à mesure que le film avance font monter la pression. Cependant, ce procédé est assez lent dans le film et le rythme peut sembler long.

 

Enfin, la surprise finale du film, c’est son propos. Victime du maccarthysme à Hollywood, le scénariste Carl Foreman décide de faire de son scénario une parabole sur Hollywood et la « chasse aux sorcières » anti-communiste de cette époque. Le personnage de Gary Cooper devient alors un personnage à qui la ville tourne le dos et ne souhaite pas l’aider dans la fusillade à venir face aux bandits. Certains visages de la ville, comme l’hôtelier ou le tenancier du saloon, lui reprochent d’avoir arrêté un bandit qui faisait vivre la communauté. D’autres ne souhaitent tout simplement pas s’engager dans un combat perdu d’avance. Face à cette lâcheté, le shérif, superbement interprété par Gary Cooper, est seul et effrayé. Le scénariste a lui-même subi cet isolement. En effet, lors de l’écriture du scénario, Carl Foreman est convoqué par la Commission des activités anti-américaines à Hollywood dans le cadre du maccarthysme. Ses amis l’évitent alors ou se font passer pour absent, comme les personnages qui évitent le shérif du film. Carl Foreman y replace même certains dialogues réels, et le film ne se cache pas d’être une parabole du maccarthysme et montre alors un visage des Etats-Unis contraire à ce que pouvait montrer les westerns de l’époque. C’est par ailleurs pour ça que John Wayne qualifiait le film de « un-american ».

 

N'en déplaise à John Wayne, qui jouera dans Rio Bravo en réponse au film de Zinnemann, Le Train sifflera trois fois est un western intelligent. Se servant d’un genre typiquement américain, qui retrace même l’histoire américaine (romancée bien entendu), Zinnemann et son scénariste livre un film à contre-courant. Avec des plans anti-western, voire anti-spectaculaire avec très peu d’action, et un héros qui va à l’opposé des héros de westerns classiques, le film pointe du doigt une Amérique lâche et complice du maccarthysme.

 

La bête aveugle de Yasuzo Masumura (1969)

 

« Taré ». C’est le mot par lequel est défini le film de Yasuzo Masumura lors de sa présentation. Je crois que c’est un bon adjectif pour qualifier ce film. C’est l’histoire d’une mannequin qui se fait enlever et séquestrer par un sculpteur aveugle qui cherche à faire la statue idéale.

Imaginez un mix entre La Belle et la bête, Psychose, et le mythe de Pygmalion, tout ça dans un décor surréaliste composé de murs décorés d’yeux, de nez, de bouches, de bras, de jambes et de seins gigantesques. Vous avez alors une certaine idée de ce qu’est La Bête aveugle. Le film est une sorte de film érotique, soft dans lequel le personnage principal féminin tombe peu à peu dans l’emprise du sens du toucher. C’est assez hypnotisant à voir et en même temps on se questionne sur la limite morale de l’art, sur la place de la femme (femme objet artistique ou objet de désir) et du rapport aux corps.

 

Le film est tellement étrange, et même perturbant sur sa scène finale, que je me retrouve démuni face à lui. Il m’a indéniablement marqué par son image, ses dernières scènes, ses acteurs et notamment Eiji Funakoshi et son regard fou. Mais il est impossible de poser plus de mots sur ce film. Peut-être que je me suis senti trop extérieur au film. Ou alors la fatigue a eu raison de moi. Peut-être qu’avec un deuxième visionnage je saurais trouver les mots pour ce film, un peu comme d’autres films issus d’auteur de la nouvelle vague japonaise que j’ai pu voir. Je peux seulement dire que Masumura est un auteur dont j’aimerai voir d’autres films et dans de meilleurs conditions (sans public gloussant à la moindre scène bizarre).


Comments


bottom of page