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Photo du rédacteurLouis M

Festival lumière - Journal de bord : Jour 4


 

Après une pause bien méritée, je suis de retour pour deux films du grand maître Kurosawa. Et j’avais dit que Monsieur Smith au Sénat était le meilleur film du festival jusqu’à présent, il vient de se faire détrôner sans grande difficulté.

 

Entre le ciel et l’enfer d’Akira Kurosawa (1963)

 

Sans prendre le temps d’installer le suspense, je vous présente ce qui est déjà pour moi le meilleur film du festival (même s’il me reste encore quatre films).

 

Kingo Gondo, interprété par Toshirō Mifune, est un dirigeant de la plus grande société de fabrique de chaussures de la région. Alors qu’il s’apprête, en hypothéquant sa villa, à racheter les parts de la société, il reçoit un appel téléphonique qui lui apprend l’enlèvement de son fils. Cependant, les ravisseurs se sont trompés et ont enlevé le fils du chauffeur de Kingo Gondo. Un dilemme  s’installe alors car le ravisseur maintient la rançon de 30 millions de yens.

Ce résumé n’est en vérité qu’une infime partie de l’histoire du film et je ne peux que vous encourager à visionner le film pour en voir l’entièreté et comprendre l’ampleur du chef-d’œuvre. Oui, le mot chef-d’œuvre correspond particulièrement bien au film. Là où on pourrait s’attendre à une banale histoire policière, Kurosawa fait en réalité plusieurs films dans un seul. Et ceci avec une très grande maîtrise de la mise en scène. Le film est en trois actes : un acte en huis clos dans lequel Kurosawa va user de plans très larges où quasiment tous les personnages sont dans les plans, un second acte se concentrant sur l’enquête policière et un dernier acte de filature dans les bas-fonds de la ville, transformant le film en un film expressionniste flirtant avec l’horreur.

 

Après deux films de samouraïs, il est vrai que Kurosawa est pas mal connu pour ça, le célèbre réalisateur japonais revient à des sujets plus contemporains. On est dans le Japon du début des années 1960, c’est un pays qui s’est très vite reconstruit après 1945 et qui va accueillir les Jeux olympiques de Tokyo en 1964. Le Japon devient très vite à cette époque la première puissance asiatique. Cependant, cela a des conséquences et notamment un fossé qui se creuse au niveau social. En réalisant Entre le ciel et l’enfer, c’est de ce fossé entre riches et pauvres que Kurosawa veut parler. Plusieurs plans du film montrent la villa de King Gondo vue depuis les bas-fonds de la ville. La pollution et la chaleur ne semblent jamais atteindre la villa du personnage principal et semble stagner au-dessus de ces bas-fonds. Le dernier tiers du film se passe dans ces mêmes bas-fonds, montrant alors un monde plus sombre.

Rappelant Parasite de Bong Joon-ho, le film de Kurosawa a ce même regard sur l’inégalité sociale. Le réalisateur use d’outils cinématographiques et de ses acteurs pour accentuer cela. Par exemple Toshiro Mifune est grand et a une stature très forte face à son chauffeur plus petit et chétif qui vient d’apprendre que son fils s’est fait enlever par erreur. Avec sa grande mise en scène pour parler d’un sujet aussi important et son histoire qui tient en haleine, Entre le ciel et l’enfer est sans aucun doute l’un de mes films préférés d’Akira Kurosawa.


L’ange ivre d’Akira Kurosawa (1948)

 

Septième film d’Akira Kurosawa, L’ange ivre marque la première collaboration du réalisateur japonais avec Toshiro Mifune. Ce dernier interprète un jeune yakuza blessé par balles qui va se soigner chez un médecin alcoolique dans un quartier pauvre. Le médecin le soigne mais lui apprend également qu’il est atteint de tuberculose.

Le titre du film ne fait pas référence au personnage incarné par Toshiro Mifune mais bien à celui du médecin, joué lui par Takashi Shimura (qui jouera dans 21 films de Kurosawa sur 30). Pourtant, le jeu de Mifune éclipse totalement le médecin et marque le film. Tout y est dans son jeu : de la violence qu’incarne ce jeune yakuza à la peur de la maladie qu’il n’ose pas exprimer, en passant par sa colère mais aussi sa compréhension. Cependant, il ne faudrait pas oublier Shimura, incarnant le médecin alcoolique qui fait malgré tout tout pour sauver ses patients. Le duo Mifune-Shimura fonctionne alors à merveille tant dans le jeu que dans l’écriture des personnages. Ce sont deux reclus de la société, l’un par son rôle de gangster et l’autre parce qu’il est alcoolique. Pourtant, leurs fonctions inspirent aussi le respect des habitants du quartier alors que les deux ne se respectent pas et doivent quand même s’aider. C’est un genre de dynamique que j’aime beaucoup qui prête à sourire voire à rire mais qui cache en vérité quelque chose de plus dur et de plus triste derrière.


Kurosawa est encore très doué au niveau de la mise en scène et on y retrouve beaucoup d’éléments de son style notamment dans la composition du mouvement. Il utilise aussi la métaphore visuelle, avec cette mare putride au milieu du quartier représentant autant la tuberculose du personnage du yakuza que la pourriture réelle de la société post-guerre au Japon.

 

Cependant, pour la première fois, ce qui me marque avec ce film, ce n’est pas le travail de mise en scène de Kurosawa mais bien les acteurs. J’ai toujours eu une fascination pour le travail de mise en scène du réalisateur japonais, notamment dans sa composition du mouvement dans l’image. Avec L’ange ivre, les acteurs Toshiro Mifune et Takashi Shimura m’ont complètement fait oublier cet aspect-là et j’ai été plongé dans le film grâce à eux et leurs dynamiques.

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