Le Festival Lumière a officiellement commencé. Certes, je n’ai rien vu samedi, jour de la cérémonie d’ouverture et donc premier jour officiel du Festival, mais aujourd’hui, c’est bien le top départ pour moi !
Installé dans une des salles de la villa de l’Institut Lumière, j’attends pour ma première séance : Soleil Rouge de Terrence Young.
Soleil rouge – Terrence Young (1971)
Prenez un western, ajoutez-y un casting international avec Charles Bronson, Alain Delon, Toshiro Mifune et Ursula Andress, mettez un compositeur français de renommée mondiale comme Maurice Jarre et saupoudrez le tout d’un réalisateur britannique déjà auteur de trois films James Bond (dont James Bond contre Dr.No) : vous obtenez Soleil rouge, western franco-italo-espagnol, racontant les péripéties d’un bandit (Charles Bronson) devant accompagné un samouraï (Toshiro Mifune) chargé de retrouver un katana volé par Alain Delon.
Le film est un très bon condensé de ce qu’on peut attendre d’un film d’action. Il a par ailleurs certains motifs de ce que deviendra le buddy movie avec cette relation entre Bronson et Mifune. Les deux doivent exécuter la même mission à contrecœur, et malgré les barrières culturelles. Bronson essayera également d’abord d’échapper à Mifune par différentes manières avant de bien vouloir faire équipe avec lui. C’est dans cette relation que le film trouve énormément de points forts. Les deux personnages ont des visions très différentes de la vie et de l’honneur, et se battent de manière très différentes (l’un à l’épée et l’autre avec son six-coups). L’humour du film va essentiellement venir de cette relation et de comment Bronson va chercher à comprendre Mifune tout en restant très américain.
Soleil rouge joue donc avec la dualité Bronson-Mifune et propose un western qui va dépasser les frontières de l’Ouest américain avec ce personnage de samouraï. Le film propose également une opposition entre Bronson et Delon, même si les deux personnages font partie de la même bande avant la trahison de Delon et ont leur nom en commun : Bronson s’appelle Link (gauche en allemand) et Delon incarne Gauche. Mais le réalisateur fait des deux personnages de parfaits contraires, intéressants à analyser. Bronson a ce visage très marqué, dur, tandis que Delon a un visage beau et lisse marqué par ses yeux bleus. Une opposition qui se joue également sur le look des personnages : Bronson est dans une tenue plus sale et poussiéreuse, tandis que Delon est tiré à quatre épingles, presque dandy. Pourtant, c’est bien Delon le méchant qui prend plaisir à tuer, alors que Bronson endosse la tenue du héros de film. Il y a une inversion des rôles rappelant assez celle de Il était une fois dans l’Ouest, avec Charles Bronson en héros et Henry Fonda en antagoniste.
Bref, Soleil rouge est un western se servant parfaitement des motifs de western spaghettis, tout en ayant son grain d’originalité en proposant un film beaucoup plus centré sur l’action rappelant certains buddy movies. Un western qui mérite à être un peu plus connu.
L’aveu de Costa-Gavras (1970)
Après avoir reçu la veille un prix spécial Lumière, Costa-Gavras présente le film avant sa projection dans le hangar de l’institut Lumière. A 91 ans, il semble se souvenir comme si c’était hier de son film L’aveu. Un an après son film politique Z, le réalisateur franco-grecque réalise L’aveu après avoir entendu parler par Claude Lanzmann du livre éponyme.
En effet, le film est une adaptation d’un livre autobiographique écrit par Arthur et Lise London, incarnés à l’écran par Yves Montand et Simone Signoret. Arthur London, appelé Gérard dans le film car c’est le pseudonyme qu’il portait quand il était dans la résistance française, est un haut responsable du régime communiste en Tchécoslovaquie. Il se fait arrêter et accuser d’espionnage. Le film suit toutes les tortures psychologiques et les privations qu’il subit dans le but de lui extorquer des aveux.
Beaucoup de monde, notamment à gauche, intime à Costa-Gavras de ne pas faire le film. En effet, en choisissant le sujet du Procès de Prague (une purge politique équivalent au Procès de Moscou) et du témoignage survivant d’Arthur London, Costa-Gavras pointe du doigt les méthodes du communisme stalinien de l’époque et est accusé d’attaquer la gauche. Le premier parti de gauche à l’époque en France était le PCF (Parti communiste français). C’était un parti qui, durant l’après-guerre, était marqué par une ligne politique stalinienne. Le PCF accuse alors L’aveu d’être un film anti-communiste, ce qui sera encore appuyé par George Marchais en 1977.
Cependant Costa-Gavras ne dénonce pas le communisme. Il suffit de voir son film précédent Z, ou même de voir ses films d’après, pour voir que c’est un réalisateur de gauche. Costa-Gavras est un réalisateur du siècle, c’est-à-dire qu’il appose son regard sur les évènements qu’il a connu pour en tirer quelque chose. L’aveu est un film sur le totalitarisme, et peu importe la couleur du parti. De plus, Costa-Gavras ne réalise pas un film de révolution. Il n’y a aucune révolution dans le film car le totalitarisme y change de visage. En effet, il y a une scène qui résume très bien cet élément : le personnage d’Yves Montand, fatigué de sa torture, perd la notion de ce qu’il dit. Le montage suit alors la logique du personnage faisant apparaitre les personnes dont il parle dans le lieu où il est enfermé. Jusqu’au moment où il se met lui-même dans la peau de l’interrogateur avec cette phrase « si tu étais à leur place, tu ferais la même chose ».
Le film est indéniablement politique et offre une très bonne idée historique de la différence entre le communisme et ce qu’était le communisme durant la Guerre Froide dans les pays de l’Est. Le but du film n’est pas de faire un film anti-communiste mais bien anti-stalinien. Et le dernier plan du film le montre bien : un graffiti pendant le Printemps de Prague faisant apparaitre cette phrase « Lénine, réveille-toi, ils sont devenus fous ».
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