Après un passage en relatif catimini au Festival de Cannes, Black Dog parvient au FEMA avec l’étiquette d’un film d’auteur d’un réalisateur habitué de films dits « grand public », nous disait-on dans sa dispensable introduction par une étudiante de la Fémis. Il aurait par ailleurs donné envie à Xavier Dolan de reprendre le cinéma. Sans commentaire.
Cette dernière nouvelle surprend, tant la forme de ce film est assez éloignée de ce que peut proposer Dolan dans le grandiloquent. Il n’en est jamais question ici. Lang est un ancien prisonnier qui revient dans une ville où il semble connu. Il y réalisait des spectacles d’une nature floue. Son passé reste énigmatique dans un film qui redonne une chance à un personnage déclassé. Cette zone repoussée à l’hors-champ ne pénètre dans le cadre que dans des projections des autres personnages sur Lang. Il est clair qu’il demeure même marginalisé au sein de la ville où il revient. Cette dernière se caractérise par le déclassement par rapport aux grandes métropoles chinoises, maîtresses de la mondialisation.
Le film se plaît à filmer cette ville en embrassant tous ses contours : il est d’ailleurs question de plans plus que larges à de multiples reprises. Ce grand panorama prend place surtout dans une première heure du film dédiée à la contemplation des affres matériels de la sortie des flux par cette ville moyenne de la campagne chinoise. Vétuste, le temps s’y est figé comme le montrent sur ses murs les nombreuses références aux Jeux Olympiques de 2008, symboles de l’ironie d’un pouvoir central qui s’est emparée de cette ville selon son bon vouloir, avant de la recracher vers l’invisible. En proie à une difficulté qui ne manque pas d’insolite, elle est envahie par des centaines de chiens errants, chassés par une mafia locale.
Lang fait le choix rapidement du côté vers lequel il se range. Marginaux parmi les freaks, déclassé au carré, il décide de prendre fait et cause pour les canidés dès son entrée dans la ville. Cela passe par s’acoquiner avec un chien réputé pour être contaminé par la rage. Ce dernier ne se laisse pas apprivoiser mais petit à petit, un amour mutuel naît entre les deux êtres. Leur union se fait par leur discrimination respective. Le film se met à explorer leurs corps, à se soucier de l’entrée en contact de leur matière. Ce chien n’est pas grandement représenté dans le cinéma contemporain. Ses longues pattes et sa cage thoracique proéminente en font une créature tout à fait spéciale, presque un monstre par son pelage noir, le démarquant des autres chiens.
Finalement, le fait remarquable du film est de traiter l’homme et l’animal à égalité. On l’a écrit plus tôt, Lang et son chien, le chien et son Lang sont filmés rigoureusement de la même manière, explorés chacun par la caméra comme un reflet de l’autre. Il serait trop facile de voir Lang comme ayant seulement rejoint la meute des chiens errants. Il a effectivement des relations diffuses avec ses congénères, que l’on complète une nouvelle fois avec notre imagination. Mais le film va plus loin. On apprend que certains bâtiments dans la ville vont être démolis et qu’une éclipse solaire aura lieu. Ces deux évènements produisent la même conséquence. Les habitants de la ville sortent et tous commencent à errer. Chiens et humains se rejoignent dans ce qui constitue le vivant de la ville. Les divisions n’ont plus cours là où a lieu l’exceptionnel dans l’espace, une expérience supérieure. En brouillant également les frontières entre humain et animal, les rassemblant d’un geste, Guan Hu réalise un manifeste pour le vivant.
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