Le festival de La Rochelle propose tout un tas d’avant-premières auxquelles les foules s’apprêtent à assister. Quoiqu’il en coûte, il faut pénétrer dans ces salles pour l’exclusivité et avoir le plaisir malicieux de voir avant tout le monde, les gueux quelque part. La preuve, ces lignes sont rédigées dans la file, une heure avant la séance de When The Light Breaks. Diverses et variées, elles offrent ici un véritable panel de formes qui méritent l’attention, dont le présent article donner quelques contours.
On peut commencer ce tour des avant-premières (et du monde par la même occasion) avec Totem, film mexicain de Lila Avilés. Une caméra portée nous emmène dans une maison où se prépare une fête pour un père atteint d’un cancer. Lequel ? Aucune idée. Ce que l’on voit à l’écran : pure souffrance. Malgré tout, la capter aurait nécessité une prise de recul que ne nous offre jamais la mise en scène. Elle prend position derrière une enfant qui attend un père absent malgré lui. Mais lorsqu’elle s’en détache, Avilés a du mal à attraper tout une famille dans son cadre qui se veut in fine excluant. Exonérer le film de plans plus larges lui enlève une complexité qu’il méritait. La distance est un souffle, un réel moment de réflexion sur les images. Restent dans le film quelques moments magnifiques qui ne prennent jamais les larmes en otage, des comédiens excellemment dirigés et quelques moments, au moins.
Le FEMA a aussi pour lui d’être une vitrine pour certaines problématiques contemporaines. Le risque est réel pour les films qui s’en emparent de se laisser embarquer par son sujet, et de se retrouver ligoté par la morale. Toutefois, une certaine noblesse enrobe ces projets. To A Land Unknown évite ce piège mais ne parvient que rarement à se sublimer dans une forme carrément redondante, qui n’évacue que peu des thèmes qui le lient. Mahdi Fleifel, réalisateur de ce film se targuant d’évoquer la question palestinienne nous donne à voir un film de réfugiés tout à fait banal. La Palestine n’est présente que dans un dialogue bien senti sur l’identité des réfugiés. Ce genre de sujet n’exige pas une platitude, et même si le film n’est pas lassant, il laisse sur la longueur de marbre le spectateur. Il tient surtout pour sa documentation théorique dépeignant des personnages dont seule diffère la nationalité, les migrants bloqués dans une Grèce vétuste. Ceux-ci sont lâchés dans l’arène que constitue leur survie et qu’ils soient syriens ou palestiniens, ils semblent fatalement voués à s’entre-dévorer. Les pupilles du festivalier ne se dilatent pas mais sa gorge se noue.
Il est tant de rentrer dans un pays proche de donner le pouvoir aux fascistes et dont le racisme n’est que de plus en plus décomplexé. Il n’en est pourtant pas question dans le film de Patricia Mazuy : La Prisonnière de Bordeaux. Ce dernier met en scène deux femmes dont les compagnons sont prisonniers. Ce fameux récit des « deux femmes que tout oppose » n’a pas grand chose d’autre à offrir que ce postulat. La personne qui dirigeait le casting a eu le nez creux. D’un côté on adore contempler une Hafsia Herzi au paroxysme de la justesse dans un rôle de femme déclassée qu’elle affectionne dans sa carrière. De l’autre, on a rarement vu pareille décomplexion dans le personnage de bourgeoise décadente campé par l’excellente (ou insupportable selon les points de vue) Isabelle Huppert. Leurs interactions en miroir montrent leurs différences de comportement expliquées selon leur classe sociale, ce que l’on pouvait deviner aisément. La couleur romanesque que se donne le film dans sa fin ne le sauve pas de sa banalité, malgré quelques fulgurances.
Enfin, terminons ce petit tour avec un gros morceau en la personne de Mohammaf Rassoulof. Réalisateur réchappé d’Iran présentant Les Graines du Figuier Sauvage, il recevait à juste titre une très vive ovation en pénétrant sur scène dans l’avant-séance. Difficile d’aborder un film pour le critique qui ne peut se montrer assassin envers un film emplit d’une telle nécessité et dont la fabrication a subi la répression qu’il dénonce, dans un régime théocratique iranien autoritaire. Cet autoritarisme s’appréhende à l’échelle familiale. La révolte de la rue que l’on voit par des images (déjà) d’archives réelles se superposent au récit de révolte des jeunes filles contre leur père fonctionnaire de l’Etat. Règne sur ce film une ambiance atrocement oppressive que l’on ressent parfaitement dans un premier temps. Mais Rassoulof métamorphose l’ensemble vers un thriller familial beaucoup moins conséquent et tout le politique se volatilise pour une expérience jouissive certes, mais qui ne nécessite pas le charivari critique qui a suivi sa sortie cannoise. Le geste est salutaire, et le film mérite le soutien. On passera rapidement à autre chose.
Ce FEMA est en somme surtout le festival des promesses. Chaque réalisateur évoqué semble pouvoir travailler leur forme pour la rendre encore meilleure à l’avenir. Peut-être pour un prochain passage en Charente-Maritime.
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