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  • Photo du rédacteurPablo Del Rio

Festival La Rochelle 2024 | All We Imagine As Light (Payal Kapadia)

 

L’Inde a une place assez spéciale dans le paysage cinématographique global. Le peu de productions qui nous parviennent du pays le plus peuplé du monde nous proviennent du système de production de Bollywood, machine à produire des film-monstres, allant toujours plus loin dans le grand-guignol. Thierry Frémaux a raison d’évoquer la venue à Cannes d’une réalisatrice indienne, de surcroît en compétition, comme d’un évènement.


Le champ esthétique indien nous a par ailleurs habitués à une flopée de films qui sondent son système social de castes, très fécond car consubstantiellement injuste. On y voyait une mise en scène à l’os, assez souvent misérabiliste. Si bien que quand le cinéma américain tente de singer les codes indiens, il se heurte à cette forme (Monkey-Man). Payal a tout d’abord le mérite de sortir de ce carcan pour offrir un pas de côté, une bouffée d’air.


La cinéaste s’empare à sa manière du corps social indien, mais son croquis n’oublie jamais de représenter des personnages à l’écran, a contrario à de la matière malléable pour faire dire un propos social au film. L’idée est de faire figurer dans le tableau leurs émotions, que l’autoritarisme de castes réprime à tout moment. Cette éthique donne à voir les représentations psychologiques induites par un système, beaucoup plus que le dessin du système par les personnages, ce qui auraient eu pour conséquence de les désincarner. Quand Prabha câline amoureusement un cuiseur reçu en cadeau de son mari parti faire des études en Allemagne, on est d’abord ému par une pure image de cinéma, avant de questionner cette émotion au regard de la situation sociale indienne. L’immense tristesse intérieure du personnage devient ainsi matérielle.


La mise en scène joue continuellement à contre-courant d’une sorte de social-porn promu ailleurs. Evidemment, la photographie aquarelle du film en sublimation des échanges amoureux des deux personnages principaux rappelle les dernières excrétions de Sundance, et le tout semble un brin conventionnel. Mais de part sa position sur le marché du film, ce geste devient exceptionnel d’innocence. On peut aussi relever certaines imperfections du deuxième film de Payal Kapadia. On note finalement une envie de se lover dans les institutions en rejetant toute possibilité d’une invalidation de leur part. Il faut s’y conformer un tant soit peu rien que pour exister. Certaines polissures se voient, le film n’échappe jamais à l’ordre narratif, mais se dérobe momentanément de certaines tartes à la crème et on l’en remercie.



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