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  • Photo du rédacteurSnakier

Moonage Daydream - Brett Morgen

 


Curieuse expérience centrée sur David Bowie que ce Moonage Daydream - chanson éponyme de ce qui est sans doute son album le plus réputé (The rise and fall of Ziggy Stardust and the spiders from Mars) - qui n’est ni vraiment un biopic, ni vraiment un documentaire non plus. Véritable trip psychédélique usant de multiples effets visuels, sonores et de montage, Moonage Daydream est une plongée dans l’intime de Bowie. Rythmé au son de la voix du chanteur en off, le film aborde son succès, ses angoisses, sa dépression, sa solitude, ses amours, sa guérison, et même sa mort à travers diverses interviews disséminées à travers les âges, le tout entrecoupé d’un petit bonbon pour tout fan de Bowie : ses chansons en captation de concert.



Malgré l’orgie d’images et un montage vigoureux, le film a une ligne directrice limpide. Un des thèmes les plus explicites est le rapport de Bowie à sa propre identité. Le film s’ouvre par une série d’images puis par une foule pleurant à l’arrivée sur scène de Ziggy Stardust, son personnage le plus célèbre. S'ensuit toute une réflexion sur le rapport de Bowie à sa propre identité, est-ce vraiment lui sur scène ? Pourquoi se déguiser ? Bowie livre implicitement sa peur d’être découvert, en « collectionnant les multiples personnalités », et se cache derrière un masque pour ne pas avoir à assumer ses réelles prises de positions. Puis vient la fin, recyclant les mêmes images … à nouveau des fans qui pleurent sur scène, mais cette fois devant un Bowie sans artifice, simplement en train de chanter dans l’obscurité, s’approchant du bord de la scène pour voir les projecteurs éclairer son public .... Bowie n’a plus peur, Bowie n’a plus besoin de se cacher. Bowie n’est plus Major Tom, Ziggy ou Thin White Duke, il est Bowie. Et ce changement est d’une beauté absolue.



Autre subtilité dans ce pseudo-brouhaha incessant d’images et de sons, la manière qu’a le film de montrer Bowie entouré (malgré son sentiment d’isolement) avec des présentateurs, des interviews, du public. Et suite à son arrivée à Los Angeles, ville qu’il faudrait effacer de la surface de la Terre fin de citation, Bowie sombre alors dans la dépression et sa solitude devient plus pesante qu’auparavant. Solitude explicitée par un flot d’image permettant de ressentir ce Bowie seul, dans son lit, à divaguer, à ne rien faire. Une étape du film assez douloureuse tant nous finissons par ressentir son mal-être au plus profond, lui qui était un amoureux de la vie, avant de respirer à nouveau quand il décide de déménager à Berlin où il composera sa célèbre trilogie (Low, puis Heroes et Lodger).


Dommage toutefois d'avoir passé sous silence la face sombre de Bowie. Ses addictions ? Vaguement survolées ; ses propos douteux sur les nazis mis sur le compte de son personnage du White Thin Duke ? Passés sous silence ; ses amours avant Iman, dont celui avec Angie (celle de la célèbre chanson des Rolling Stones) qui aura donné naissance à Zowie, son fils ? Silence radio. Cette hagiographie était sans doute le prix à payer pour obtenir ces images d'archives, et l'autorisation de sa famille.


L'autre particularité de Moonage Daydream est cette volonté de Bowie de nous faire apprécier la vie, de s'accepter tel que l'on est, d'oser prendre des risques et de sortir de sa zone de confort. Comme une curieuse impression qu'un fantôme nous demandait de profiter de la vie. Il pourrait être difficile, suite aux instants de paix, d'embrayer sur la mort. Celle de Bowie en a bousculé plus d'un, et son agonie racontée dans son ultime album, le chef d'oeuvre Blackstar, touchait au sublimement glauque ; ici, pas d'envolée lyrique, le film se contentera de survoler ce moment et de se focaliser sur quelque chose de plus doux.



Le montage de Moonage Daydream est basé sur le collage, Brett Morgen n’a rien tourné, il n’a fait que récupérer des images d’archives, parfois inédites, et les a assemblées les unes avec les autres, à la manière d’un Godard des années 2000, pour tenter de raconter Bowie et sa vision du monde qui l’entoure. Le procédé est d'autant plus pertinent qu'il touche un artiste protéiforme, détruisant et reconstruisant son image en permanence pendant des années, jusqu'à sa propre acceptation.


En découle une œuvre singulière, un immanquable pour tout connaisseur de David Bowie, et une expérience formelle hors du commun pour les cinéphiles. Sans aucun doute l’un des meilleurs films de l’année 2022.




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