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Photo du rédacteurErwan Mas

Megalopolis, oeuvre acerbe


 

A l’heure où ces lignes sont écrites, Megalopolis signe un énorme échec financier. Le plaindra-t-on ? Vous inciterai-je à regarder ce film, plutôt que de participer à la consécration de cet échec ? Je dirais seulement que la deuxième option m’est de meilleur goût. 


Coppola sort de nouvelles cartes, jamais utilisées auparavant dans son cinéma, pour signer un Mégalopolis dont on ne peut nier, sauf crédulement, qu’il comporte une représentation féminine mineure voire insultante. La femme est constamment montrée comme un objet de désir, désirant, de muse, en quête d’émancipation ; en somme toujours dans l’ombre de la figure masculine. L’épouse Cicero, sans cesse en retrait de son mari, figure de douceur, caractère archétype et clichétique de la féminité . Julia Cicero (Nathalie Emmanuel) se retourne contre son père, pour aider son rival : César (Adam Driver). Alors montrée comme une traîtresse, jamais elle ne parviendra à prendre une quelconque supériorité par rapport à la figure masculine de son mari qui lui fait de l’ombre. César le dira lui même, sa femme n’est qu’un « élixir » qui l’aide à créer. Certes un amour semble les unir, lui qui s’est d’abord concrétisé dans les hauteurs de New Rome dans une atmosphère poétique sonnant comme fausse ou puérile : le temps qui s’arrête pour reprendre lorsque les lèvres des deux personnages se rencontrent. Tout cela semble pourtant trop simple, il suffit de cette scène puis d’un cut pour que les deux personnages se mettent à pleinement travailler ensemble, à collaborer en oubliant quelque peu les limites de leur amour : le père de Julia, et l’amour immortel de César pour sa femme décédée. Ces deux derniers éléments vont toutefois coïncider dans une séquence entre César et Franklyn lorsque ce dernier avoue avoir un lien avec la mort de la femme de son rival. Cette séquence pourrait s’avérer poignante, ou même tournant majeur du film. Pourtant, il n’en est rien, elle ne fait qu’ajouter une preuve que Franklyn renie totalement l’amour qui unit sa fille à son rival. Même si cette histoire se finit dans un happy-end comme fantasmatique, avec une poignée de main entre les – anciens semble-t-il – rivaux et une contre plongée sur la nouvelle famille, il semble y avoir là quelques facilités pour une histoire qui méritait d’être traitée tant elle était principale en premiers lieux du film.


L’intérêt et le geste premier du film sont un parallèle entre les Etats-Unis  et l’empire romain. Ce parallèle semble surfait, comme une simple référence ou une base fixe que Coppola empoigne mais sans réellement l’utiliser, hormis pour créer une sorte de cercle vicieux incessant que reproduit sans cesse les systèmes politiques au fur et à mesure. C’est dans une allure de publicité de parfum que Coppola va continuer son cirque en s’amusant de ses personnages et progressivement se diriger vers une — semble-t-il — apologie du pouvoir, et de la parole exclusivement masculine. On dénote une parole masculine sordide durant une une séquence d'enchères lors de laquelle seuls les hommes se lèvent pour faire gonfler les prix, fantasmant sordidement sur la « vierge » tandis que les femmes restent assises devant le spectacle accablant, lui aussi constitué de femmes comme objet de divertissement et une nouvelle fois de désir. Le pouvoir, la puissance masculine semble être naturelle, comme acquise d’office, pourtant nous ne sommes pas dans une pleine reproduction du monde antique, il n’en est qu’une inspiration. Le pouvoir féminin semble n’être qu’un rêve — pourtant dans un monde utopique —, notamment avec Tatie Wow qui tente de le conquérir, par le sexe. De plus, elle est assassinée après une blague sale, d’un attrait sexuel plus que nauséabond.


Nous savons que la référence est là, sous nos yeux pourtant jamais nous n’en voyons la réelle utilité. Le geste est admirable mais pas tout à fait réussi bien que ce projet mijotait dans la tête de Coppola depuis plusieurs années. Nous ne pouvons enlever à Coppola le fait qu’il expérimente, d’abord un monde – au vu de l’utopie qu’il tente de créer grâce à Adam Driver –, mais aussi son nouveau cinéma.


Seulement, dans ce cinéma, tout n’est que surfait, parfois ni fait ni à faire, notamment la parole du peuple qui ne se réduit qu’à certaines séquences se résumant par une simple querelle de frères et des splitscreen mal soignés et sans intérêt. Malgré son décor monumental, le film ne l’est pas autant. Coppola semble se perdre dans un faux rêve utopique, livrant une partie de poker, sans jeu, en plein bluff, en attendant la river qu’il souhaite, sans en voir le bout de son nez : il attendait Roi, et ne reçut qu’un simple deux. Il peut laisser ses jetons sur la table et se redonner une chance.



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